Les chars a boeufs de l’Ituri

Traduction de l’article de Guido Bosteels paru en néerlandais dans la  revue n° 55 du mois de septembre 2020, page  55.

D’après nos sources, c’est au cours des années ’20 du siècle dernier que le Gouverneur de la Province orientale avait pris l’initiative de solliciter le recrutement d’un réparateur de chars à boeufs, destiné à exercer son métier en Ituri. Mais pourquoi donc ? Eh bien, il devait s’agir de la remise en état de chars à boeufs appartenant à des “Boers” sud-africains qui avaient trouvé refuge dans ce district.

D’après les informations éparses dont nous disposons pour le moment, il semblerait que nous avons à faire à des survivants des guerres des Boers qui avaient espéré trouver leur salut dans l’Est-africain allemand. On peut supposer que lors de la première guerre mondiale ils ont voulu se soustraire à l’invasion britannique dans ces territoires. Comment, où et quand ces fugitifs ont réussi à prendre pied au nord-est du Congo, tout cela nous est encore mystère. Nous ignorons tout autant dans quelles conditions et à quelle époque ils ont à nouveau disparu de la région.

On comprend évidemment que ces chars à boeufs (des “ossewagens”) devaient avoir besoin d’une sérieuse révision après les milliers de kilomètres qu’ils avaient déjà parcourus !

Et l’homme de métier en question ? Ce que nous en savons, c’est qu’il s’agit d’un certain Marcel Nobels, né à Anvers en 1898 et décédé à Sint-Job in ’t Goor en 1990. Un écrit assez confus de sa main nous apprend que c’est dans la région d’Irumu, ancien chef-lieu du District, qu’il a noué connaissance avec ces personnes. Il parle d’un certain Coetzee, l’homme le plus âgé du groupe, qui faisait office de pasteur au sein de cette communauté protestante de stricte observance. Il parle ensuite des frères Piet et Kris van der Merwe, des travailleurs acharnés et chasseurs assidus au gros gibier. Il est à remarquer qu’ils étaient accompagnés de leurs propres travailleurs, à propos desquels Nobels s’étonnait d’entendre qu’ils s’exprimaient couramment en langue Afrikaans. On pourrait supposer qu’il s’agissait de “coloured” du Cap.

Il semble que notre compatriote Marcel s’entendait fort bien avec ces “Boers” qui l’avaient initié volontiers à la chasse au buffle et à l’éléphant… et qui, pour le surplus, lui expliquèrent “comment descendre sans faille un Anglais à plus de 30 mètres avec une seule balle”.

Il s’avère d’ailleurs que cette petite descente sud-africaine n’était pas un cas unique. En effet, Maurice Lenain, ancien administrateur en Ituri, comptait également des sujets sud-africains dans son territoire.

Bref, nous nous trouvons ici devant un beau sujet d’enquête qui mériterait une étude plus approfondie.