Revue 41 – La pauvreté dans la Province de l’Equateur

Traduction de l’article paru en néerlandais dans la Revue n° 41 de Mémoires du Congo, page 47

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La pauvreté dans la Province de l’Equateur par Guido Bosteels

Déjà à l’époque coloniale la Province de l’Equateur passait pour le parent pauvre parmi les six provinces que comptait le Congo Belge. Le fait que la province de l’Equateur soit partagée en cinq secteurs administratifs (Tshuapa, Equateur, Nord-Ubangi, Sud-Ubangi et Mongala) n’a rien amélioré pas plus que l’indépendance. Un tableau affligeant de la situation actuelle nous est fourni par Théodore Trefon, chercheur attaché au musée de l’Afrique à Tervuren. Celui-ci est rentré récemment d’un voyage d’étude sur place. Dans les semaines à venir paraîtra un livre dans lequel il décrit plus précisément le sujet.

Les habitants de cette région ne possèdent vraiment rien : pas d’outils, peu de vêtements, élimés d’ailleurs, leur alimentation quotidienne est faite seulement de chikwange, de poisson et de temps à autres d’un peu de viande de gibier. On peut comprendre que la viande soit devenue rare, car l’élevage de poules, lapins ou chèvres ne fait toujours pas partie des usages locaux. Les éléphants ne font quasi plus partie du paysage. D’après l’investigateur ceci s’explique par le fait que la fraude de l’ivoire rapporte 500 dollars le kilo là où les gardes-chasse gagnent 100 dollars par mois. Pour autant que l’on pratique l’agriculture, cela se passe de manière ancestrale par « rotation » : lorsque la terre est épuisée on brûle une portion de forêt afin de faire de la place pour de nouvelles terres à cultiver.

Notre chercheur ne se fait toutefois pas trop d’inquiétude à propos de la préservation de la forêt : la densité de population se maintient en effet à un niveau raisonnable. Toujours d’après le chercheur on y trouve également une dimension religieuse : profondément croyants comme le sont les habitants, ils sont convaincus que la nature appartient à Dieu et ne peut donc disparaître. Il a de plus observé que partout les églises ont été conservées en bon état. Inutile également de mentionner que le réseau routier a totalement disparu. On se déplace donc par d’étroits sentiers à pied ou en vélo. Ou alors en pirogue. Si quelqu’un a réussi à capturer du gibier il n’hésite pas à voyager deux semaines afin de vendre sa marchandise. Il n’y a d’ailleurs pas beaucoup d’argent en circulation. Il n’y a plus d’hôpitaux non plus. Leur absence provoque le recours à la médecine traditionnelle. Il n’y a évidemment pas d’électricité. A Mbandaka Th. Trefon a vu par ci par là des panneaux solaires. Ceux-ci rendent possible la réception radio. On peut se demander quelles sont les conditions de vie dans cette ville qui compte aujourd’hui pas moins de 700.000 habitants.

Une chose est certaine : la population n’attend franchement plus rien de la part de l’autorité centrale : étant donné que la région fait partie de la zone d’influence de Jean-Pierre Bemba, le ministre du Plan ne lui accorde aucune importance.

Mbandaka 2

Légende de la photo : Vue sur Mbandaka en 2008. Copyright F. Hessel